Un oiseau noir en littérature

Yves Bonnefoy  ici  donne  à la poésie le sublime pouvoir de suspendre le cours du temps.

Dans les moments successifs de ce magnifique poème, le lecteur découvre le passé ressaisi par le souvenir. Ici le lieu se présente comme guérisseur du temps tandis qu’il abolit toute notion de durée et donc de perte. Au cœur du texte, le temps cesse d’exister, produisant un instant d’évidence pure, soustrait aux caprices de la durée et aux variations des heures. « L’instant nu, déchiré » comme le désigne Yves Bonnefoy, est sans continuité avec la durée antécédente et sans lien avec l’avenir aboli dans l’expérience. Les images ne se confinent ni ne s’altèrent. Elles se fondent en un mouvement concentrique qui estompe toute impression de durée. Il faut pour cela « le pays » , le lieu rare, identifié à une sorte de lieu total , d’étendue intégrale qui contient tous les lieux du passé et anticipe ceux d’un « temps qui va guérir ». Le lecteur avance dans le poème avec la certitude de ne rien  perdre puisque tout est à venir, à tenir , à cueillir comme «  le bruit des fruits simples qui tombent ».

« Ici, et jusqu’au soir. La rose d’ombres

Tournera sur les murs. La rose d’heures

Défleurira sans bruit. Les dalles claires

Mèneront à leur gré ces pas épris du jour.

Ici, toujours ici. Pierres sur pierres

Ont bâti le pays dit par le souvenir.

A peine si le bruit des fruits simples qui tombent

Enfièvre encore en toi le temps qui va guérir. »

 

Yves Bonnefoy- Hier, régnant désert