Un oiseau noir en littérature

Être soi-même.

Tout un programme qui ne passe pas forcément par une technique infaillible mais par des errements tout aussi judicieux. On sait « qu’il faut toute une vie pour devenir de ce qu’on est » ( Camus ) . Cette perspective  autorise des tâtonnements mais aussi des remises en question salutaires puisque la vie est prise dans un mouvement incessant qui conteste la prévalence de valeurs acquises pour toujours. C’est une bonne nouvelle que ne pas être enfermé dans la certitude d’un « cogito ergo sum » définitif et sclérosant. Advenir à soi offre la chance d’une recherche de soi dans les méandres de l’existence.

Agir pour être soi

Ainsi il en va presque comme d’une évidence :  se sentir être soi dans la totale adéquation de notre conscience dans l’action et l’engagement . L’activité donne sens à tout notre être, le temps de l’exécution d’un geste sans affectation. L’action offre même la possibilité d’un dépassement de soi qui décuple la sensation d’être soi-même dans l’effort.

Un oiseau noir en littérature

Et que dire de la contemplation du monde !

Mais que de chemins conduisent à ce sentiment complexe et fluctuant ! N’est- on pas tout autant soi-même dans la contemplation d’une œuvre artistique ou du spectacle même de la nature. Passivité apparente du sujet, un brin de blé entre les dents, qui pose son regard sur la ligne d’horizon et guette les subtiles modifications des nuages et le passage des oiseaux migrateurs. Etre soi-même dans le repos donc qui, soit impose l’attention au spectacle du monde, soit autorise la rêverie, la digression de la pensée. Nous participons un peu du vivant qui nous absorbe et pose la certitude de notre présence au monde

lac rocher
Un oiseau noir en littérature
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Un oiseau noir en littérature
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meditant

Nous nous laissons aller « au vagabondage de la pensée » qui selon Montaigne définit l’homme comme adéquat à lui-même. La promenade n’aurait d’autre but qu’elle-même et vivre à « propos » ferait déjà beaucoup dans la conscience d’être soi. Il n’est pourtant pas ici question de passivité profonde mais l’intensité du moment présent vécu engage le corps dans une action consciemment et pleinement exécutée. Le moi est dans la résonance avec le monde. Le corps accueille l’extérieur à nous-mêmes et nous laissons le passage du souffle du vivant se faire en nous. Expérience que les méditants sauraient décrire avec les mots qu’impose leur pratique assidue

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Picasso- période bleu-rose
Un oiseau noir en littérature

 On est souvent soi-même, il faut le reconnaître sans le regard de l’autre. Et pourtant, l’engagement dans un pur moment altruiste vers l’autre remet en question notre précédente approche. Qui de nous n’a pas éprouver être pleinement soi-même, dans la générosité et dans le don. La construction du monde ne va pas sans les autres d’une part, sans nous d’autre part et s’ouvre ici un champ éthique considérable. Nous ne vivons pas seuls. Nous portons l’espoir d’un projet qu’on voudrait voir aboutir. Nous avons besoin les uns des autres pour l’accomplir. Et cette corrélation que nous créons ensemble peut bien être le moyen d’être soi. Nous apportons notre part, si minime soit elle mais l’addition des volontés collectives peut déplacer des montagnes. Dans l’encouragement prodigué par le pédagogue à son élève, il y a un investissement de tout son être qui ne laisse pas de place à la désinvolture. Le lieu d’où l’on enseigne est celui de l’authenticité, de l’accord et de la fidélité à soi . On s’en oublie nous-mêmes tant ce qui importe est la préoccupation de l’autre à qui l’on s’efforce d’apprendre à son tour à devenir lui-même. Mais la sensation est bien là, je suis moi-même sans masque et dans l’engagement que je m’incombe à moi-même.

Un oiseau noir en littérature

Et puis, je ne puis m’empêcher de penser enfin à l’abandon de soi à l’autre dans la confiance d’un amour vrai. Un geste de tendresse, une caresse déposée sur un visage, l’abandon plus profond dans le plaisir sensuel qui me dessaisit de mes particularités. Je ne peux pas omettre  non plus ce pur moment de grâce où je posai mon nourrisson dans mes bras et que l’instant de ce contact si doux et si impressionnant me révéla toute entière à moi-même. Comme il me fut agréable de renouveler cet instant pur dans tous les moments d’une existence maternelle où le soleil d’hiver baignait la chambre, où les sourires , les bras tendus l’un vers l’autre , nous nous révélions à nous -même dans un élan mutuel d’amour et d’évidence.

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