Cezanne -Montagne sainte victoire

L’œil et l’esprit, ultime essai de Merleau -Ponty

Merleau-Ponty rédigea en 1960 un ultime essai contribuant ainsi au premier numéro d’Art de France. Dernier été passé non loin d’Aix , au Tholonet, dans la maison  que lui avait louée un peintre – La Bertrane-.

L’essai auquel il se consacre lui est largement inspiré par Cézanne et la Sainte- Victoire  Ce paysage  exceptionnel fut, on le sait , un motif aimé, indéfiniment repris par le peintre. Merleau-Ponty pose dans ce texte court mais dense la question sans réponse arrêtée du regard de l’artiste sur le réel. L’essai philosophique constitue une méditation sur la peinture quand selon les mots mêmes de Cézanne, l’artiste » pense en peinture ».

« Ce que j’essaie de vous traduire est plus mystérieux, s’enchevêtre aux racines mêmes de l’être, à la source impalpable des sensations ».

J. Gasquet Cézanne

J. Gasquet

Rendre visible une expérience sensible

J’ai retenu de ce texte édifiant que le peintre peint avant tout avec son corps, processus créatif qui tend à rendre visible une représentation sensible, traces d’une vision qui vient du dedans de soi et tente de rendre visible une perception subjective et fluctuante. De façon très claire, Merleau-Ponty parle d’une pensée «appuyée sur des indices corporels «  lesquels s’avèrent insuffisants et qui imposent le recours au « monde onirique de l’analogie ». D’où la difficulté à poser l’artiste dans la situation de celui qui est visible mais aussi « voyant «, dans un élan vers les éléments de la nature qui l’englobent. Cette interaction entre le monde et le peintre est de l’ordre du «flux et du reflux » de corps au monde et du monde au corps.

Paul Valery écrivait que » le peintre apporte son corps ». Ce à quoi ajoute Cézanne : »la nature est à l’intérieur ». La couleur tout comme la matière ne sont donc pas extérieurs au corps puisque c’est de ce corps que l’artiste rend visible la lumière du jour, la rend saisissable car la peinture ne saurait être un décalque de la réalité mais qu’elle est en principe immanente au corps, au geste du peintre, à la sensibilité cognitive qui renouvelle en nous la perception que nous nous faisons du monde.

Un oiseau noir en littérature
Un oiseau noir en littérature
Un oiseau noir en littérature

La recherche de la profondeur picturale.

Ce propos est loin de proposer une lecture aboutie de l’Essai. J’ai pour ma part, retenu la difficulté à laquelle se heurte le peintre à définirla vision et par suite la peinture. Merleau-Ponty cherche à saisir l’instant du commencement du processus créatif, si fragile et si inexplicable qu’il reste à la marge de ce petit ouvrage. Cézanne s’éloigne des Impressionnistes pour élaborer une construction mentale du paysage qui déploie des strates et échappe à la vision linéaire. Cet emboitement définit la peinture comme une recherche d’une profondeur picturale, déjà présente dans les derniers tableaux de Cézanne. Et Merleau-Ponty de réaffirmer que « c’est le peintre qui naît dans les choses comme par concentration et venue à soi du visible », ce qui revient à avancer que la toile est «autofigurative » puisqu’elle figure celui qui l’exécute. L’art contemporain – Paul Klee en particulier -prend ses origines dans une existence consacrée à l’approfondissement d’une expérience du corps dans l’élaboration de l’oeuvre.