Un oiseau noir en littérature
Un oiseau noir en littérature
Un oiseau noir en littérature
Un oiseau noir en littérature

Encore une nouvelle de Stefan Sweig , me direz-vous , en lisant le titre de cet article ! Et vous n’aurez pas tort car j’aime cet auteur. Il ne me déçoit jamais et sonde les profondeurs de l’âme humaine avec une rare intelligence .

DONC…ENCORE  …OUI !  Cette nouvelle » lettre d’une inconnue » est une des plus célèbres. Elle pose le récit de la passion amoureuse absolue, sujet qui nous concerne, nous concernera, ou nous a concerné un temps de notre vie. L’argument pour la lire réside dans l’universalité du sentiment amoureux, ici gardé secret toute une vie. C’est aussi l’occasion de livrer quelques propos au sujet d’un sentiment si complexe et ambivalent.

Les tourments d’un amour non partagé.

La nouvelle repose sur le principe habituel du récit dans le récit qui permet l’approfondissement d’un souvenir exalté par l’écriture. Une femme écrit une longue missive à l’homme qu’elle a secrètement aimé jusqu’à sa mort, d’une passion qui engagea son destin de femme tout en l’empêchant d’exister par elle-même. Rangée auprès d’un homme fortuné, elle trouva les raisons de  s’extirper de cet ennui conjugal, pour une nuit d’amour avec l’homme qu’elle a aimé depuis ses 13 ans. De cette nuit naît un enfant, unique fils et preuve d’une passion incommensurable d’une femme pour un homme, qui ne voit, quant à lui,  qu’un moment futile et agréable. Elle se donne tout entière, n’attend rien en retour, sait que le point ultime de sa quête s’achève dans les bras d’un homme qui l’étreint mais qui est déjà ailleurs.

L’attente est un enchantement.

En ce sens, le sentiment amoureux  qu’elle éprouve est d’ordre métaphysique. La vie ne tient son sens que dans la possibilité de se raccrocher à l’image fantasmée sans cesse de l’homme qu’elle aime. La réciproque  n’est pas vrai puisque l’écrivain qu’elle aime d’un amour fou ne sait rien des sentiments qui la brûlent et l’abîment. Sans doute  verra-t-on dans le comportement de la jeune femme des symptômes d’une obsession perverse . Elle est en effet possédée par ce qui contribue à son malheur.

Deux temporalités se succèdent et s’entrecroisent dans cette très belle et célèbre nouvelle, celle d’une part des amours adolescentes qui vivent du manque d’un parent substitué par la figure de l’aimé, celle d’autre part des amours de la maturité qui se contentent de l’instant accordé, puisque tout individu connaît un jour le caractère incontournable de sa solitude existentielle, posée de prime abord.

Un oiseau noir en littérature
Un oiseau noir en littérature

Je n’ai rien, plus rien de toi, rien (…) plus d’enfant, pas un mot, pas un souvenir…

S Zweig - lettre d'une inconnue

Un amour qui tient à son mystère

L’amour dans cette nouvelle doit au dévoilement progressif du mystère qui entoure l’histoire. L’éblouissement n’a jamais cessé chez la narratrice. Le ravissement matriciel au sens étymologique de » rapt « rend prisonnière celle qui aime en modifiant son rapport à la vie, à sa vie. Le rosissement des joues, le tremblement des doigts, le souffle coupé, la confusion délirante des rêves, tout dit la puissance incommensurable qui mène le sujet à sa perte sans le vouloir consciemment. Une autodestruction consentie par le sujet aimant livre un  aspect ambivalent d’une passion qui ne fait place à rien d’autre qu’elle -même.  Le texte repose sur l’anaphore d’une apostrophe qui tombe dans l’oubli, le néant « mon bien-aimé » !! Exhortation qui s’achève dans un dernier souffle qui révèle l’inaptitude à l’engagement amoureux.

Il sentit qu’il y avait eu là un immortel amour; au plus profond de son âme, quelque chose s’épanouit, et il eut pour l’amante invisible une pensée aussi immatérielle et aussi passionnée que pour une musique lointaine.

Lettre d'un inconnue - excipit