Le Lambeau

Philippe Lançon – Folio

 

Un oiseau noir en littérature

La panthère des neiges

Sylvain Tesson- Gallimard

 

Philippe Lançon a reçu le prix Femina en 2018 pour le magnifique récit de sa reconstruction physique et psychique après les attentats de Charlie Hebdo où il fut très grièvement blessé et défiguré. Un prix largement mérité tant on est bluffé par l’analyse minutieuse et sans pathos de cette période de sa vie où chaque jour suffit à vivre , tant l’avenir paraît incertain. En liant une relation d’une confiance remarquable avec son chirurgien, qui est une forte et belle personnalité, le journaliste de Libération trouve la voie de la lumière ,  la possiblité retrouvée d’articuler, de mâcher et de faire face à un miroir.  » Gueule cassée » des évènements de Charlie Hebdo, il fait de ce livre un somptueux exutoire à l’horreur dont il fut une des victimes parmi d’autres. Le récit , initialement publié chez Gallimard, ressort en Folio. Le livre relève du récit au jour le jour mais aussi de l’introspection, il revèle l’indicible périple intérieur de l’écrivain, « le retour à la vie d’un survivant » – Ph Lançon.

 

Sylvain Tesson, grand aventurier et géographe de formation fait ici le récit superbe d’une quête double – celle de la mythique panthère des neiges sur les hauts plateaux du Tibet avec son ami ,le photographe animalier Vincent Mugnier , celle plus intérieure du sens et de la place de nos vies dans le vaste règne du vivant. Certes le récit doit beaucoup à l’apparition de la panthère des neiges après un temps infini d’affut où l’esprit s’échappe de l’attention dédiée au dehors. Mais le texte aurait eu lieu sans l’apparition de l’animal mythique. Le récit de Sylvain Tesson est en cela un vagabondage philosophique libéré de toutes codifications . La nature sauvage en effet par son caractère aléatoire et imprévisible induit une expérience de l’ordre du méditatif . Attendre peut-être pour ne rien voir, attendre pour ne rien attendre, attendre et opérer un retour à soi de la plus grande nécessité. L’introspection à laquelle se livre Sylvain Tesson est singulièrement la sienne mais celle de tous les humains. Les questionnements existentiels et métaphysiques qu’il pose sont ceux du sens de nos vies dans l’immense règne du vivant, imperturbable dans la neige et le vent, aux confins de terres où la spiritualité et l’ésotérisme sont encore  présentes: les hauts plateaux du Tibet.