La madeleine décrite par Proust semble comme avoir été « moulée dans la valve nervurée une d’une coquille Saint- Jacques ». L’essence précieuse de cette gourmandise , « si grassement sensuel(le) sous son plissage sévère et dévot » surgit à l’instant . Elle participe ainsi à « l’édifice immense du souvenir » que Proust compare volontiers à l’édifice d’une cathédrale.
« Et tout à coup, le souvenir m’est apparu. Ce goût, c’était celui du petit morceau de Madeleine que le dimanche matin que le dimanche matin à Combray (…) quand j’allais tremper, lui dire bonjour (…) dans son infusion de thé ou de tilleul.
(…) des maisons , des personnages consistants et reconnaissables, de même toutes les fleurs de notre jardin et celles du parc de M. Swann, et les nymphéas de la Vivonne, et les bonnes gens du village ( …) tout cela qui prend forme et solidité , villes et jardins , de ma tasse de thé. »
L’épisode de la madeleine dans La Recherche du Temps Perdu est connu de tous, tant il correspond à une expérience universelle, celle de la mémoire sensorielle qui ouvre à la lumière tout un pan obscurci de l’enfance. Le goût de la madeleine assorti au parfum du thé, révèle à l’auteur en quête du temps à retenir, la cristallisation du passé opérée par le rituel. Nous avons tous des souvenirs souvent olfactifs qui portent à la conscience des souvenirs parfois très précis de notre enfance. Nous les avions cru oubliés mais ils viennent se placer dans le roman familial et enrichir d’une sensation la mémoire ainsi vivifiée par le corps et ses capacités à retenir le temps.
Une madeleine qui a bien failli être une biscotte.
Pourtant cette célèbre madeleine, si l’on s’en tient aux nombreux manuscrits et brouillons qui précédèrent la parution de La Recherche, aurait pu ne pas être une madeleine. Les carnets qui servaient à Proust montrent, par une rature, puis deux, que le petit gâteau aurait pu tout aussi bien être un morceau de pain grillé pour les uns, une biscotte pour les autres.
Le miracle de la mémoire affective
Resta l’option de la madeleine. Pour notre plus grand soulagement. Car la madeleine, par sa forme dodue, la texture qui se fond si bien au parfum du thé paraît idéalement contenir le thème de l’enfance. Sorte de coquillage arrondi et vaguement strié, il est tour à tour, les après-midis de plage où l’océan se retire pour laisser découvrir ses joyaux, les vagues odorantes qui retiennent le vent, les pas sur le sable mouillé dans lequel nos pieds s’enfoncent joyeusement. La madeleine, c’est ainsi, évoque immanquablement l’enfance et ses rituels heureux. Demandez autour de vous ! et le constat est le même. Le goût restitue et parfois sublime des instants qu’on voudrait éternels. Ils en ont la saveur miraculeuse dont nous ne prenons conscience que bien des années après, quand le temps est passé et que nous avons assez de souvenirs pour nous retourner sur notre vie.
Ce passé heureux et oisif , l’écriture de Proust, par le souvenir, le ressuscite pour constituer la matière de son oeuvre, mémoire disponible parce qu’involontaire. Il devient vibrant de sensations multiples et de souvenirs ordonnés autour des êtres qui ont traversé sa vie d’enfant et de jeune adulte du grand écrivain
La mémoire auditive chez Chateaubriand
Chateaubriand, quant à lui, évoque le chant d’une grive dans un extrait célèbre. La mémoire auditive réactive le passé, transfiguré alors par l’écriture.
Et vous…. quel sens vous invite à revisiter le passé?
« A l’instant, ce son magique fit repaître à mes yeux le domaine paternel »
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