Un oiseau noir en littérature

Dans L’éloge du Rien, Christian Bobin a ces mots magnifiques de justesse au travers desquels il donne la juste mesure de notre humanité :

 

« Sans doute l’avez-vous remarqué : notre attente- d’un amour, d’un printemps, d’un repos- est toujours comblée par surprise. Comme si ce que nous espérions était toujours inespéré. Comme si la vraie formule d’attendre était celle-ci ; ne rien prévoir sinon l’imprévisible. Ne rien attendre, sinon l’inattendu ».

Ne plus rien attendre de rien qui nous hante

En plaçant l’étonnement comme pièce maîtresse d’une existence sensible, Christian Bobin exprime l’éblouissement qu’il procure en naissant d’un étrange paradoxe : L’espérance est comblée par la surprise de ce que nous n’attendions plus, dans des limites qui brisent l’attente. A force d’être dans l’invisibilité de ce qui advient, nous nous engluons souvent dans une forme de torpeur, une usure, une hébétude qui annonce l’enlisement de la conscience tout entière.

 Et pourtant, n’apparaît-elle pas brutalement éveillée récusant toute tentative de faire avec le rien. L’attente cesse  alors, dans l’instant de la fulgurante apparition de ce que nous n’osions plus espérer : l’été , le refloraison des cerisiers, l’ivresse explosive de l’amour , la tendre satisfaction d’un corps lové dans l’instant. L’ambiguité provient de la dissolution de tout espoir dans l’attente même qui éternise le temps, la convoitise malgré tout d’un modique changement, mais surtout de la vibration ardente qui ramène la joie volatile d’une liberté soudaine.

Un oiseau noir en littérature
Un oiseau noir en littérature

La force invincible de la Vie

Le rayonnement n’en est que plus fort parce qu’imprévisible , plus rebondissant parce que surgissant d’une intuition . Nous le savions avant même de le savoir vraiment. »Sans doute , l’avez-vous remarqué », prévient Christian Bobin, comme pour rappeler que la totalité des choses existantes mais perdues est pressentie dans la rêverie , dans la déréliction des moments dont nous n’attendons plus rien. L’inespéré nous dessaisit de notre sclérose. L’inespéré est un défi porté au temps. En nous délivrant du temps de l’ennui, l’inespéré commet un rapt qui propage l’ardeur et redonne son sens plein à l’existence. L’expression de la plus fondamentale nostalgie de moments heureux se fige, se dilue et s’efface.

L’ambiguïté de l’existence

Nous n’avions pas prévu l’imprévisible et cette imprévoyance nous le rend fulgurant, source d’émerveillement reconduit. L’audace est de s’en emparer dans son foudroiement. La sagesse est de s’en illuminer comme d’ une grande guirlande de fleurs de Noël , sachant qu’il y a là une part de mystère qui nous échappe , une dimension du temps qui crépite comme un feu mais ne s’attarde pas…