Plus largement, les cathédrales évoquent la fragilité des édifices marqués par les outrages du temps. Hugo sensibilise à son époque sur le délabrement de Notre Dame de Paris ses lecteurs dans son roman Notre Dame de Paris. Un récit national et collectif se construit autour de ces édifices religieux, car la cathédrale ne tant qu’édifice concentre les revendications patriotiques et, on le sait, les rois revenus à la royauté avec la Restauration en France s’approprient Notre Dame de Paris comme symbole d’un passé royal idéalisé.
La cathédrale au XIX° siècle cristallise l’imaginaire de nombre d’artistes Européens qui redécouvrent le style gothique. Le Romantisme noir en particulier fait place aux silhouettes mystérieuses des édifices religieux qui fait miroir aux états mélancoliques et sombres. Plus tard, la cathédrale devient le motif qui inspira les Impressionnistes en lien avec la lumière.
« Je vois toute la vérité et non pas seulement celle de la surface. J’accentue les lignes qui expriment le mieux l’état spirituel que j’interprète ».
Les voûtes d’ogives : des mains qui se rejoignent pour prier.
Le titre de l’œuvre n’apparaît que dans un second temps, vraisemblablement en lien avec Les cathédrales de France, que Rodin publie en 1914.
Deux mains s’entrecroisent ici, deux mains droites placées en regard. Pour preuve, la disposition identique des pouces. L’artiste procède comme souvent, par association de deux éléments sans lien à l’origine. Par le mouvement infiniment délicat des mains qui semblent s’effleurer, Rodin suspend le temps dans un mouvement de grâce qui invite au recueillement.
Le jeu central de la lumière.
La verticalité éthérée impulse un mouvement vers le haut. Cette dynamique prise isolément semble évoquer la nef d’une cathédrale gothique et jouer avec le plein et le vide, l’ombre et la lumière selon le positionnement du spectateur. L’intérieur se meut en extérieur et inversement de sorte que l’impression d’intimité et de refuge délivre aussi un puissant sentiment d’ouverture. La lumière est primordiale dans le travail de Rodin. Elle démultiplie les points de vue et permet une augmentation d’intensité de toutes les valeurs associées à la forme des mains : des mains qui se nouent et se dénouent dans un mouvement chorégraphié incessamment traversé par la lumière, des mains qui se recueillent et s’assemblent dans un mouvement pur et délié.
Les mains s’animent au contact des fluctuations de la lumière et forment une corolle qui remanie l’espace à partir d’elle. La Vie semble naître d’un entrelacement sensuel et intime qui transcende la froide apparence de la pierre. L’impression extatique qui en découle doit à l’épure. Le mouvement dans sa quintessence pose la question ontologique de la vie comme pur mouvement. Ce dernier semble pivoter indéfiniment autour d’un centre qui laisse passer la lumière du jour et induit une rêverie transformante, tout à tour terrestre et aérienne. Principe de centralité, la lumière fait graviter autour d’elle les mains dans un doux mouvement qu’on se prend … à reproduire avec les nôtres, preuve de la puissance symbolique envoutante de la sculpture.
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