« La poésie est de toutes les eaux claires celle qui s’attarde le moins aux reflets de ses ponts.
Poésie, la vie future à l’intérieur de l’homme requalifié »
René Char – Le Poème Pulvérisé
La parole chez René Char ose l’élan vers la vie comme remède à la douleur, contrecarrant l’épuisement du Verbe laissé par les larmes. Il ne s’agit pas d’un déni à ce qui frappe le cœur mais d’une transfiguration qui augmente dans la durée même, et qui permet au Poème d’advenir.
L’échec est le point à partir duquel il est possible d’imaginer un merveilleux avenir, un ciel étoilé, une lumière conquise sur l’ombre. Bien sûr, le lit de la douleur impose son tempo mais il n’est envisageable de s’ensommeiller et s’abolir comme sujet. La douleur fait évènement mais c’est elle qui fait croître paradoxalement la conscience et libère une occasion d’agir. La douleur est assumée et engagée dans un vaste élan de transmutation qui remet debout et porte l’existence à venir.
La parole poétique est multiple. Elle contient la reconnaissance d’un « fardeau », la douleur d’une vie inconnue devant soi. Mais elle transforme l’angoisse « en aurore artérielle ». René Char, dans cette image, assigne à la poésie la force libératrice de l’engagement dans la vie, une obstination à être et devenir comme réponse au drame humain. On sait l’amitié qui lia René Char à Albert Camus. On comprend d’emblée la pensée qui les unit : l’affirmation de l’instant, l’affirmation dans l’instant, une conjonction volontaire et enthousiaste du réel et du moi. Le poème la fait advenir.
Ainsi René Char ne cesse de m’accompagner dans ma vie. Sa poésie est la preuve d’un dépassement dans « une sagesse aux yeux pleins de larmes ». Notre condition est celle du désespéré qui s’obstine, attendu dans un pays inconnu qui se découvre dans la fulgurance de chaque instant. L’instant détient ainsi une richesse irrémédiable , inestimable, puisqu’il est capable de nous élever et nous élancer vers l’accomplissement de notre destin. la route est semée de lueurs soudaines , vers un pays de connaissance où la lumière du jour pulvérise notre abattement
De sa jeunesse de Résistant, René Char retient la puissance d’une ardeur commune dans l’action. Il évoque dans ce beau vers « la parenté fulgurante de quelques hommes ». Pour René Char, le poète doit habiter sa parole comme il le ferait d’un territoire, s’établir davantage dans la vie assumée selon une puissante dialectique de l’espoir.
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